Vous n’êtes pas joueur ?
Et bien si, je peux vous le dire.
Nous le sommes tous…
Restez un peu. Ça devrait vous intéresser !
Scène de la vie ordinaire
Vous tchatchez avec votre collègue Marianne à la pause-café. Elle vous raconte qu’elle est bien embêtée car elle a mal au dos depuis 10 jours.
Vous : Pourquoi tu ne vas pas voir un ostéo ?
Elle : J’y suis allée. Deux fois même !
Vous : Tu devrais peut-être te mettre en arrêt maladie ?
Elle : J’y ai pensé mais j’ai du boulot je ne peux pas en ce moment.
Vous : Ta santé est importante ! Tu devrais quand même faire quelque chose.
Elle : Oui je sais mais j’ai déjà fait deux séances d’ostéo, ça devrait se régler vite.
Vous : Apparemment pas ! Tu as pensé à l’acupuncture ?
Elle : Non… Et puis je ne connais pas d’acupuncteur…
Vous : Je peux t’en chercher un si tu veux ?
Elle : Je sais pas trop… Pourquoi pas ? J’en peux plus de toute façon.
Vous : Tu as vu dans quel état tu es ?
Elle : Oui je sais mais ça va bien finir par passer…. Même si aujourd’hui je me sens particulièrement mal…
Vous : Et tu es allée chez le médecin ?
Elle : Non je ne veux pas prendre de médicaments.
…
…
STOP ! Ça va durer encore longtemps ????
Jeu psychologique
Ce dialogue (digne d’un Lelouch), est en fait un classique des relations entre les êtres humains.
Ça s’appelle un « jeu psychologique ». Et son nom officiel est le jeu du « Oui mais ».
C’est Eric Berne, le père de la chère Analyse Transactionnelle qui a conceptualisé tout ça.
C’est très éclairant.
Ça permet de comprendre à quoi nous jouons et dans quel bazar nous nous mettons « à l’insu de notre plein gré ».
Sous couvert de discussion simple entre collègues, en fait il se joue tout un tas d’interactions !
Chacun a son rôle. Vous qui cherchez des solutions à tout prix à une aide qu’on ne vous a pas demandée (tendance « sauvetage » sur les bords) ; et Marianne, qui sabote les unes après les autres les propositions que vous lui faites et finit par vous persécuter allégrement !
Tout va bien.
Un magnifique tournoi de ping-pong !
Reste plus qu’à ce que vous vous énerviez face à la « passivité » de Marianne et ce sera parfait ! Quant à elle, si elle s’énerve elle finira au mieux par vous demandez « Mais que veux-tu que je te dise ??? ».
Et là bam !
C’est le drame…
Les rôles changeront, vous vous plaindrez de voir qu’elle ne fait rien pour son dos et qu’elle ne se saisit pas de votre aide. Et elle, après avoir alimenté votre démarche d’aide, s’en étonnera…
Ou alors, autre possibilité, vous continuerez ce ping-pong nourrissant à la pause déjeuner avec l’aide d’autres collègues qui pourront eux aussi conseiller tel praticien, tel remède, telle solution à une Marianne septique !
C’est la vraie vie ça non ?
Oui, en quelque sorte.
Parce qu’au quotidien, il nous arrive chaque jour d’être sensible à la souffrance ou à la douleur des Autres.
Parce qu’au quotidien, nous résolvons des problèmes, nous cherchons des solutions pour être bien.
Alors pourquoi ne pas aider les Autres ?
Examiner et évaluer
Au départ l’intention est bonne sans doute. La conversation est plutôt sympa et bienveillante. Marianne vous touche et vous invite (de façon non consciente) à jouer votre rôle de « sauveteur » et bingo ça marche à chaque fois. Elle recherche peut-être de l’attention elle aussi ? Vous recherchez peut-être toutes les deux de la reconnaissance, elle dans son rôle de victime et vous dans votre rôle de sauveteur…
Peu à peu vous et Marianne rentrez dans un jeu psychologique. Et cela peut durer des heures.
Chacune réagit selon son expérience, son parcours de vie, sa personnalité, son enfance, ses blessures,…etc. Chacun joue le jeu qui correspond à ses besoins (inconscients, façonnés dans l’enfance).
Et les rôles peuvent changer de temps à autre.
Ces échanges sont alors source d’incompréhensions voire de tensions voire de conflits.
En couple, en famille, dans le travail, en amitié… Tout est un terrain de jeu fabuleux.
Évaluer consiste donc à ouvrir l’œil (et les oreilles) pour constater à un moment donné si nous jouons à un jeu ou pas.
Ne plus jouer
Lorsque nous sentons que nous prenons le chemin d’un jeu psychologique, que nous nous enfermons peu à peu dans un schéma et que cela se reproduit plusieurs fois par semaine, avec différentes personnes, il est temps d’arrêter de jouer.
Arrêter de jouer implique de travailler sur soi avec bienveillance et patience. Le jeu psychologique est avant tout un jeu entre soi et soi-même et pour s’en défaire il faut se prendre en considération, prendre conscience de ses fonctionnements.
Dans le cas de votre collègue Marianne, une voie pour s’en sortir serait de lui demander :
Mais qu’attends-tu de moi ?
Cette question arrête immédiatement le ping-pong et en interroge son existence même.
Eric Berne parle alors de nous reconnecter à notre état d’Adulte. L’état le plus neutre qui soit. Les deux autres états sont l’Enfant et le Parent. Nous passons par ces trois états plusieurs fois par jour potentiellement. Les Autres également. Les interactions sont donc multiples mais ne donnent pas les mêmes résultats (entre performance et conflits).
L’Adulte lui, recherche les faits et à objectiver sans affect. Il est dans la réalité. Ainsi, il ne peut pas se faire embarquer dans un jeu psychologique.
Si vous managez une équipe et que l’un de vos collaborateurs démonte systématiquement les propositions des Autres et les vôtres estimant que « ce n’est pas efficace, pas opérant, pas innovant, trop cher, pas simple »… vous pouvez toujours essayer de lui soutirer des détails et jouer un jeu psychologique… Mais vous pouvez aussi dégainer votre état d’adulte et lui demander :
Sur quoi tu te bases pour dire cela ?
Et paf, fin du jeu !
La lecture d’Eric Berne peut être vraiment utile à chacun d’entre nous. Que nous soyons branchés développement personnel ou non. Son concept est étendu et mérite de s’y plonger pour mieux comprendre à quoi nous jouons et trouver des leviers pour se sortir des jeux psychologiques enfermant.
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